LA PEAU DOUCE
film de François Truffaut de 1964
UNE RÉFLEXION MODERNE
SUR LE COUPLE
SYNOPSIS
Au cours d'un voyage à Lisbonne, où il doit donner une conférence sur Balzac, Pierre Lachenay s'éprend de Nicole, une hôtesse de l'air. Lorsque son épouse Franca apprend cette liaison, Pierre décide de divorcer.
DÉTAILS
Date de sortie 20 avril 1964 (1h 55min)
De François Truffaut
Avec Françoise Dorléac, Jean Desailly, Nelly Benedetti plus
Genres Drame, Romance
Nationalités portugais, français
CRITIQUES
La Peau douce est produit et réalisé rapidement, en attendant que Truffaut puisse tourner un projet plus compliqué à monter, son film de science-fiction Fahrenheit 451 d’après le roman de Ray Bradbury. La Peau douce prend comme point de départ un fait-divers découvert dans un journal, le meurtre au fusil de chasse d’un mari infidèle par sa femme trompée. Truffaut aimait puiser dans la presse les arguments de ses films, tout autant que dans les livres ou sa propre vie. Au-delà de son sujet, l’adultère, Truffaut injecte des éléments autobiographiques dans La Peau douce, comme dans la plupart de ses films. Il n’est pas difficile de rapprocher les mésaventures sentimentales de Lachenay, écrivain à succès, avec celles de Truffaut, cinéaste à succès.
Nous sommes pourtant loin de toute complaisance ou narcissisme, au contraire. La Peau douce est sans doute le film le plus sec, le moins romantique de Truffaut. Le personnage de Lachenay apparaît comme un personnage pathétique, complètement dépassé par la situation, incapable de prendre les bonnes décisions ou de raisonner, le comble pour un intellectuel spécialiste de Balzac et des grands romanciers français, fins analystes de la passion amoureuse. Lachenay commet toutes les erreurs possibles, il s’enfonce dans un mélange de culpabilité et de veulerie. Le choix d’un acteur issu de la Comédie-Française et au cinéma de la fameuse « Qualité française » vilipendée par Truffaut, Jean Desailly (qui s’entendra d’ailleurs fort mal avec le réalisateur) au physique un peu mou vient souligner ce manque d’empathie que l’on est en droit de ressentir pour Lachenay. Les personnages féminins eux aussi distillent un sentiment de malaise, entre une épouse hystérique et trop sûre d’elle et une maîtresse immature et inconséquente (superbe Françoise Dorléac, dans son plus beau rôle).
La Peau douce est aussi – et surtout – un sommet dans l’œuvre de Truffaut en raison de la précision de sa mise en scène. Truffaut vient de terminer son livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock, dans lequel il décortique, avec la complicité du maître, l’art de la mise en scène du réalisateur des Enchaînés. La Peau douce est sans doute le film le plus hitchcockien de Truffaut, qui se souvient de certains préceptes de Hitchcock sur le suspens dans ses thrillers policiers ou d’espionnage en les appliquant à une triviale histoire d’adultère ancrée dans la réalité française. Le premier moment de trouble entre les deux futurs amants dans un ascenseur d’hôtel, leur fugue contrariée dans une petite ville de province et d’autres séquences encore procèdent à une dilatation du temps, à un jeu des regards et des non dits directement influencés par le cinéma de Hitchcock. Ainsi Truffaut exprime-t-il avec autant de fièvre dans La Peau douce sa passion du cinéma et son amour des femmes. Sans oublier les détails érotiques qui parsèment le film, fixations fétichistes sur des détails vestimentaires de sa maîtresse, les chaussures à talons hauts qu’elle met dans l’avion, la jupe qu’elle enfile en vitesse car son amant est contrarié de la voir en jeans, les bas retenus par des porte-jarretelles. Avec la complicité de ses complices habituels le directeur de la photographie Raoul Coutard et le compositeur Georges Delerue, particulièrement inspirés, François Truffaut réalise un chef-d’œuvre, capable de nous bouleverser davantage à chaque nouvelle vision.
CULTURE JAI (SYNTHÈSE)
(Union de la musique, de la peinture et de l'histoire)
https://culturejai.fr/
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